Coronavirus au Venezuela: famine, désespoir… Le confinement est intenable dans les quartiers populaires
Benjamin Delille, correspondant RTBF au Venezuela
Au Venezuela, après un mois de confinement quasi-total, les autorités ont annoncé une prolongation de la quarantaine jusqu’à la mi-mai.
Et dans un pays qui manque déjà de tout, cela rend les conditions de vie des Vénézuéliens encore plus précaires.
Pénuries insupportables
Dans les quartiers populaires qui ceinturent Caracas, les pénuries étaient déjà très difficiles à vivre, elles sont devenues insupportables.
En plus de l’essence qui est devenue introuvable, tous les services de base disparaissent peu à peu. “Actuellement le principal problème c’est la pénurie d’eau. Il n’en vient plus, raconte Maria-Gabriela, une institutrice. Le peu qu’on a, on l’économise. Mon mari brave la quarantaine pour en trouver. Mais il n’y a plus d’essence non plus… Donc il ne peut même plus sortir travailler et nous ramener de quoi manger. ”
D’autant qu’après plus d’un mois de quarantaine, la nourriture commence à manquer dans les supermarchés et les prix explosent.
La quarantaine de la faim
“Je n’ai rien à manger chez moi“, s’indigne Anamesa. Cette mère de deux enfants vit dans le quartier 905, quartier très pauvre et surtout très dangereux. Elle est atteinte d’hypertension, ne travaille plus depuis le début du confinement et n’ose plus sortir.
Elle survit grâce à ses sœurs qui font les courses pour elle. “Elles vont faire la queue dès quatre heures du matin et elles doivent attendre jusqu’à 14 heures, juste pour acheter ce qu’elles peuvent : des abats, parce qu’il n’y a plus de poulet, il n’y a même plus de viande de basse qualité, et puis un peu de farine et des pâtes. Nous ne mangeons plus de protéines… Nous vivons un chaos : c’est la quarantaine de la faim.”
Habitués au système D, les habitants de ces zones délaissées de la capitale vénézuélienne doivent à nouveau se réinventer pour faire face aux nombreuses conséquences de la crise du coronavirus.
“On observe une économie informelle sous la forme du troc : tout s’échange, même des services ou des choses très basiques dont le gens ont besoin comme l’eau ou l’électricité, qui saute très souvent, raconte Andrew un militant associatif du quartier de Catia. Par exemple il y a des gens qui offrent de la nourriture à leur voisin pour qu’en échange ils puissent recharger leur téléphone ou leurs lampes-torches. Et le problème c’est qu’actuellement, le décret de quarantaine interdit que ces échanges se fassent.”
Couvre-feu
En effet le confinement décrété au Venezuela le 17 mars dernier est très strict : il est interdit de se déplacer sans masque et sans gants, les principaux axes routiers sont coupés, un couvre-feu interdit les déplacements dans plusieurs quartiers dès la fin de l’après-midi et l’armée a été déployée pour faire respecter les règles.
Mais selon Kati, qui vit à Petare, le plus grand bidonville du Venezuela, sa communauté n’a pas d’autre choix que de braver l’interdit. “Le message ‘Restez chez-vous’ ne passe pas parce que les gens doivent sortir chercher à manger.”
Tous ses voisins vivent au jour le jour, d’emplois informels. “Ils connaissent les risques d’attraper la maladie, assure-t-elle. Mais ils sont obligés de travailler, sinon ils meurent de faim.”
Militaires et policiers
Mais pour cela il faut échapper à la vigilance des forces de l’ordre, et à en croire Jesus, un chauffeur de mototaxi, ce n’est pas facile : “Même la nuit, il y a des militaires partout et des policiers, ils imposent un couvre-feu. Et les gens n’ont plus d’argent pour acheter quoi que ce soit, on est désespéré…”
Avec la pénurie généralisée d’essence, les choses vont s’empirer, ne serait-ce que pour l’approvisionnement de nourriture. Même les médecins, censés lutter contre le virus, se retrouvent bloqués des heures dans leur voiture pour faire le plein.